La danse de l'ange rebelle

Ce qui coule de source…

Geyser à Ampefy, Madagascar (Ilustration du texte Ce qui coule de source…)

Illustration : Pwilcox10

« Citerne contient, fontaine déborde. », nous a enseigné William Blake dans ses proverbes de l’Enfer. En nous inspirant de cette métaphore, nous pouvons maintenant compléter les deux textes précédents en essayant de comprendre quelle attitude extérieure convient à cette quête de liberté.

Effectivement, cette liberté d’esprit passe par à une aptitude à créer, à être source de vie et de renouveau et non pas simple citerne, servant de réceptacle à un contenant d’origine externe et sur lequel nous n’apporterions aucune modification.

Dans la comédie humaine, nous devons donc être acteurs et non pas nous contenter d’être de simples figurants.

Ceci passe nécessairement par un esprit particulièrement critique par rapport à tout ce que nous recevons, tout ce dont la société semble vouloir nous remplir (nous combler ?).

Et plus une chose est présentée comme évidente, naturelle, allant de soi… Bref plus elle semble « couler de source », plus nous devons nous en méfier.

Mais loin de nous contenter de cultiver un regard critique sur ce que nous pensons être le monde extérieur, c’est avant tout à un exercice d’auto-critique que nous devons nous habituer. Puisque c’est bien là où ce prétendu « monde extérieur » nous engage et nous influence, qu’il nous est le plus nuisible, si nous perdons le contrôle de cette influence.

Il n’est pas rare en effet de voir des individus plein de véhémence lorsqu’il s’agit de critiquer tel ou tel travers de leurs semblables alors même qu’ils sont les premiers à les commettre…

Cet exercice d’auto-critique est loin d’être aisé, puisqu’il s’oppose à notre amour-propre qui lui-même est le représentant de cette force d’inertie qui s’oppose à toute évolution.

C’est par la solitude et un exercice d’introspection sans ménagement que nous pourrons progresser dans notre chemin vers cette liberté d’esprit tant convoitée.

Tant du fait de ce besoin de solitude, que de celui de nous extérioriser conformément à notre nature, nous ne devons donc pas chercher à être sociables, sans pour autant être agressifs. Cette agressivité serait en effet avant toute chose, un aveu de faiblesse et de vulnérabilité. Prenons l’exemple du hérisson, créature pacifique, mais malheur à qui essaye de le « prendre en mains » !

À l’inverse, toute personne fuyant la solitude comme le pire des maux, sera peu apte à faire preuve de liberté et donc de réelle créativité. Au mieux arrivera-t-elle à être « productive », c’est-à-dire à être à l’origine de quelque production et pourra même bénéficier d’une certaine popularité, du fait même de son manque d’originalité, peu apte à remettre réellement en cause un public déjà acquis et bien heureux de ne pas être malmené. Ces êtres-là ne prennent pas le risque d’être rejetés et peuvent se féliciter de leur si chère « sociabilité », mais quel intérêt réel il y a-t-il à faire ce que myriades d’autres ont déjà fait ? Et de toute façon, que peut-on penser de personnes qui redoutent à ce point leur propre compagnie ?

Par contre, même si c’est dans la solitude que nous pouvons réellement nous régénérer – pour peu que nous ayons la chance de connaître certaines personnes, suffisamment lucides et sincères pour nous critiquer avec pertinence – il nous faudra aussi alors prendre en compte leurs remarques, même si c’est une médecine douloureuse pour notre orgueil légitime, qui nous pousse d’ordinaire à revendiquer haut et fort ce que l’on nous reproche…

Notre travail consiste donc à analyser et disséquer sans relâche toutes nos certitudes (synonymes de servitudes), à toujours nous remettre en cause, non pas dans un but moraliste d’amélioration (ce qui serait une illusion) mais pour rester dans une dynamique de transformation, source de toute existence.

Ainsi comme la fontaine, nous pourrons jaillir et déborder sur le monde extérieur et faire profiter notre environnement de ce qui nous est propre et original, réellement créateurs et non plus « productifs ».

Finissons donc comme nous l’avons commencé, par une nouvelle citation de William Blake : « La culture trace des chemins droits ; mais les chemins tortueux sans profit sont ceux-là mêmes du génie. »

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